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Pouvons nous encore parler de l’argument d’Anselme après le jugement kantien sans appel: « l’existence n’est pas un prédicat! »

Reconstitution de l’argument d’Anselme.

Le développement a quelque chose de fascinant dans l’apparente simplicité des concepts engagés et dans l’évidence que l’insensé un tant soit peu honnête avec lui, ou pas totalement abruti, est forcé d’admettre. Il y suffit une idée, une simple idée ayant un contenu sensé : un être tel que nous ne pouvons en concevoir de plus grand. Et voilà l’idée devenue réalité grâce à cette seule et unique condition. Cette condition n’est, malgré les apparences guère démontrée par Anselme : elle fait fond sur l’entente minimale commune aux deux interlocuteurs, le croyant et l’insensé : l’insensé reconnaît les éléments signifiants de la définition dictée par la foi. « La foi nous dit que vous êtes un être tel qu’on n’en peut concevoir de plus grand » (aliquid quo nihil majus cogitari). Dès lors, et nécessairement, l’athé comprend ce qu’il entend. C’est ce noyau dur qui fonde l’édifice démonstratif. Notons que la démonstration relève apparemment d’un raisonnement par l’absurde. Dieu étant défini comme cité, sa non-existence implique contradiction. On en conclut donc à l’existence. A regarder de plus près.

Définition 1 : Dieu est aliquid quo nihil majus cogitari. Attention, non pas un être tel qu’il n‘en n’est pas de plus grand mais bien un être tel qu’on n’en peut guère penser de plus grand. Définition de type nominaliste « j’appelle Dieu etc. ».

Postulat 1 : la pensée d’une chose est existence de la chose dans l’intelligence.

Lemme : l’existence est graduée et la pensée en est un de ses degrés; il y a plus (encore faut il comprendre ici le quantifieur peut être au sens d’éminence, ou de contenu) d’être dans l’existence réelle que dans l’existence dans la pensée uniquement, puisque l’un implique l’autre sans que a réciproque soit vraie.

Postulat 2 : Exister dans la réalité est un mode d’existence supérieur à l’existence en pensée seulement.

Démonstration : Ce qu’il y a de plus grand dans les pensées existe aussi dans la réalité (passage du nécessairement pensable au réel) car la réalité d’une chose (sans doute pour être plus exact la pensée de la réalité d’une chose, la pensée que la chose possède l’existence comme attribut) est supérieure à la pensée de la chose ; donc on pourrait trouver quelque chose de plus grand que la plus grande des pensées, ce qui implique contradiction.

En fait la démonstration n’est que le développement des conséquences logiques de la définition 1.

Conséquences de la définition 1 : Je ne peux définir Dieu comme une simple idée, sinon je pourrais penser quelque chose de plus grand que lui, c’est-à-dire le même être, avec en sus l’idée qu’il existe en dehors de ma pensée, ce qui est contradictoire avec la definition 1.

On peut dire sans faire violence au texte qu’Anselme reste dans l’ordre de la pensée(il est plus grand de penser qu’un être est aussi en dehors de ma pensée que de le penser seulement). Sinon il y aurait un embrouillamini des ordres : Considérant au départ l’ensemble ordonné des pensées, et le plus grand élément de cet ensemble : la plus grande des pensées. Si Anselme opérait le saut vers Dieu comme être tel qu’il n’y en a pas de plus grand, l’existence réelle devient alors extérieure à cet ensemble de référence et il n’y a alors aucun problème à penser l’existence d’un élément plus grand que l’ensemble des pensées. (À supposer qu’on puisse comparer un objet et une pensée).

Le Chapitre III rejoue exactement le même type de démonstration, cette fois ci en posant comme postulats :

Postulat 1 : Exister nécessairement et d’une manière absolue est supérieur à exister de façon contingente.

Postulat 2 : Concevoir la non-existence de X, c’est poser X comme être contingent.

Démonstration : Penser X (l’être suprême) comme non existant n’empêche guère de penser un X’ qui diffère de X par le fait qu’il possède l’attribut de l’existence nécessaire ; ce qui fait de X’ un être plus suprême que le suprême (de volailles) pensé comme contingent. On ne peut donc guère penser (sérieusement !) X comme être contingent.

Quant à la torturante question de la possibilité même pour l’insensé de vivre avec sa contradiction, elle est rapidement résolue : il ne fait que du bruit avec la bouche, une proposition purement verbale. Parler d’un Dieu qui a à voir avec le néant, c’est parler de la licorne rose invisible ou du couteau de Lichtenberg.
Or, il apparaît qu’Anselme tombe sous le coup de sa propre critique du nominalisme. Sous le vocable Dieu, il introduit un sens acceptable par les deux interlocuteurs du dialogue (peut être à cause d’une tradition prégnante) qui est en fait arbitraire.

Enfin, l’exhortation à regarder en soi l’évidence, à être honnête avec soi même pose un autre problème ; que faire avec celui qui, tout en écarquillant les yeux et de bonne foi (sans jeu de mot), ne voit guère l’évidence ?

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