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Une réponse juive au paradoxe de la connaissance du Ménon de Platon

Les paradoxes de Ménon, interlocuteur sceptique de Socrate dans le dialogue platonicien du Ménon comptent parmi les plus connus et paradoxalement les moins résolus des cercles vicieux apparents dans lesquels la pensée s’enferme autotéliquement. Son exposé en est simple: Si nous cherchons la vérité, la connaissance, il est nécessaire de savoir ce que l’on cherche; nul n’est donc besoin de le chercher. Si nous ne savons pas ce que nous cherchons, le chemin pour y parvenir se teinte alors de la couleur de l’impossibilité chronique (Menon, 80 d-e). Ménon est ingénieux.

Socrate développe alors une réponse à deux volets, un volet métaphysique: ce sera le mythe de la métempsycose ( les âmes possèdent la connaissance absolue avant de s’incarner dans un corps et l’oubli corrélatif à la venue au monde laisse une trace de la vérité, qui stimule sa recherche et fait de la connaissance une re-connaissance) , et un volet empirique: ce sera l’expérience avec le jeune esclave sur une question géométrique nouvelle pour montrer que la connaissance n’est pas re-connaissance. Le caractère bifrons de la réponse de Socrate est d’autant plus étonnant que la partie empirique contredit la partie métaphysique, comme si le mythe de la métempsycose était une explication ad hoc destinée à satisfaire l’esprit du peuple.

C’est en ce sens que l’Histoire de la philosophie a compris la réponse socrato-platonicienne, privilégiant la partie rationelle à la partie métaphysique, jetant dans les oubliettes de l’Histoire une approche féconde. Cela constitue à nos yeux une erreur de jugement, conditionée sans doute par un mépris de bon ton chez les philosophes contre ce qui est au delà de l’expérience possible. Pourtant, c’est à partir de l’expérience juive et des conditions de sa pensée, la langue sacrée, que nous allons tenter de rendre justice à une notion originale : celle de la réponse comme téshuva, comme retour à soi. L’âme, la neshama devient alors le seul critère de reconnaissance de la vérité. Ce qui peut apparaître comme une position subjectiviste est en réalité une position objectiviste qui place simplement l’extrémité dernière de la rationalité dans l’âme.

Afin de pouvoir penser cela, il faut sortir des cadres de la pensée occidentale et de nos définitions spontanées de l’âme, de la question et de la réponse afin de pouvoir penser sans fantaisie aucune la question comme requête de (génitif subjectif et objectif) l’âme,la réponse comme apaisement, retour à l’âme et la connaissance comme un mode de la co-nnaissance de soi (au sens de pouvoir renaitre à soi même débarassé des erreurs et des strates qui faussent l’écoute de sa neshama, seul guide à l’action existentielle).

Dans la tradition juive, l’enfant qui vient au monde a déjà appris, alors qu’il était une néshama, toute la Tora, qui est Emet, vérité. Non pas au sens ou elle serait vraie au même titre que d’autres choses, mais bien au sens ou elle est l’équivalent ontologique de LA vérité, ainsi qu’il est dit dans les Pirqé Avot, les Maximes des pères: « Tourne la et retourne la dans tous les sens possibles; Tout est en Elle ».

Un ange est alors chargé d’effacer du nourrisson le contenu de savoir. Ce geste de l’effacement symbolise la mise en place du receptacle en l’homme à la Tora, réceptacle (Kéli) qui aspirera tout au long de sa vie à retrouver sa consistance d’avant, à se servir de la trace que la Tora a laissé pour retrouver le contenant qui saura s’y loger et remplir parfaitement l’espace laissé. Ce geste est également la mise en place d’un moteur à l’existence, d’un but à l’homme: revenir (lashuv, même racine linguistique que teshuva qui en est le nom d’action), grâce à sa liberté, à ses actes et à la pratique des Mitwots, à un état de sensibilité maximum de sa neshama et permettre à celle ci d’exercer au mieux

Tel un instrument de musique, cette dernière peut être désaccordée, etre étouffée par des couches d’impureté que l’action humaine aura déposée par rétroaction sur le précieux cadeau. La conséquence de cette conception est le lien intrinsèque et profond qu’il existe entre l’existence effective, les actes, et la faculté de connaitre et re-conaittre la vérité. Vie intime, existentielle et connaissance sont donc deux parties d’une seule et même chose; nous pouvons à présent le penser: La pratique des mitwots a pour corrélat une activité de purification de la neshama qui permet en retour, presque comme en récompense, une affutation de ce qui permet de trancher intimement (la reconnaissance a quelque chose de la conviction intime incommunicable, je sais que j’ai reconnu, mais je ne peut transmettre à autrui cette sensation qui résulte d’une certitude) et aussi universellement ( puisque chacun porte en lui la possibilité, au stade de la puissance à amener à son terme d’acte, de reconnaitre la vérité) en faveur de la vérité.

Socrate n’avait guère pensé, lors de l’exposé de son mythe de la métempsycose à en déduire toutes les conséquences, ainsi qu’à faire sortir le problème de la connaissance du ciel étoilé et faux de la raison pure. C’est pourquoi, si nous sommes partis avec Socrate, nous avons du le dépasser et le repenser à la lumière de l’expérience juive du retour. Car la teshuva désigne à la fois la réponse à une question (ordre de la connaissance), et à la fois le chemin du retour à soi et à la Tora (ordre de la vie). Nous ne pourrons désormais plus espérer séparer la connaissance de l’action et de la vie morale et prétendre hypocritement que les deux ordres n’ont rien à voir.

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