Hey, les filles, dites a votre gentleman d'aller sur So-Gentlemen.com !

Accueil » Culture » Remarques sur la notion de justice et de Tiqun chez Gershom Scholem

Remarques sur la notion de justice et de Tiqun chez Gershom Scholem

Si Scholem est connu, reconnu et lu pour ses travaux précurseurs en Histoire de la Mystique juive, il l’est moins pour sa philosophie de l’histoire, sa conception du judaïsme et sa philosophie propre.

La raison en est simple: il a peu, voire pas écrit de textes théoriques sous sa plume de penseur original et il faut souvent aller chercher dans les notes obscures de ses articles de chercheur ou dans ses biographies des bribes, puis reconstituer sa pensée profonde.

Ceci lui est d’ailleurs vivement reproché par Jacob Taubes, qui, dans un article sur Walter Benjamin et le Marcionisme, l’accuse de manquer d’objectivité historienne et de maintenir sous la table du jeu d’échecs de l’Histoire, les vilaines catégories théologiques du petit bossu.

Pourtant, à lire sa biographie, ainsi que le très beau texte qu’il a consacré à son ami Walter Benjamin, on se rend compte que Scholem ne manque ni d’objectivité, ni d’honnêteté intellectuelle; qu’il est simplement un penseur original et particulièrement pénétrant du judaïsme, de la temporalité historique et messianique.

Dans ses notes de jeunesse, publiées chez Fayard sous le titre « Sur Jonas, la lamentation et le judaïsme », il pense la justice comme sphère complémentaire et différée de celle du droit.

Ces courts textes, d’un style élégant et concis se passent de commentaires:

« La différence fondamentale entre justice et amour (et pour Scholem c’est LA différence entre judaïsme et christianisme, ndlr) tout comme leur profonde parenté ne peuvent pas être ici plus développées. L’amour est annihilation du verdict, la justice est celle de son exécution: celui qui aime ne juge pas. Justice et droit se complètent et coïncident; l’amour et le droit s’excluent l’un l’autre. »

« Dans le Talmud (Makkot, I,10), un tribunal qui avait exécuté une sentence de mort au cours de 70 ans d’exercice fut déclaré meurtrier. La Tora connait la peine de mort; le droit talmudique ne le met pas en question mais réalise l’idée de report à travers l’extraordinaire complication du témoignage dans toutes les affaires criminelles. Mais l’idée reste la même: le verdict est possible, l’exécution impossible. Le jugement du tribunal humain transcende son exécution. C’est la justice qui comble la faille qui les sépare. »

Et cette analogie, magnifique et signifiante, entre l’éternité du droit et de la Tora écrite et l’infinie report temporel de la clôture de la justice et de la Tora Orale, la Tradition.

 » Dans le judaïsme, l’idée de justice est celle qui caractérise le rapport de ce qui est canonique à la Tradition. Sans elle, l’un et l’autre resteraient étrangers au sens propre et sans relation entre eux.[…] C’est précisément ce que veut dire l’idée de tradition: la Tora écrite ne peut pas être appliquée: elle est le droit divin qui n’est pas encore justice; qui, au contraire, est en train de se transformer pour devenir justice à travers le report indéfini qu’est la tradition. Révélation et temps messianique sont, en elle, indissociables. »

« La justice est structuration du monde ( tiquno shel olam) et le Royaume Messianique est le monde de l’ordre restauré ( olam ha-tiqun). »

À propos NoNo

Laisser une réponse

Votre adresse email ne sera pas publiéeLes champs requis sont surlignés *

*