Il aurait sans doute détesté, ce sage d’un autre temps, qui s’amusait à se dire né à Jérusalem, il y a longtemps parce que, disait-il,on devrait pouvoir choisir sa naissance, un hommage qui prenne la forme d’un curriculum vitae.
Ce penseur unique, qui a poussé jusqu’à son terme les rapports entre poésie et vérité, entre liberté et mathématique aurait peut-être, je ne puis que l’espérer, aimé ce poème du Jerusalmite Yehuda Amihai (publié dans Début fin début, aux éditions de l’Eclat, la même maison qui a édité son très beau Liberté et Vérité)
Qu’il puisse à présent dialoguer avec les grands esprits de l’Histoire, qu’il n’a cessé de côtoyer de son vivant.
« Je veux vivre jusqu’à ce que les mots de ma bouche
ne soient plus
que voyelles et consonnes, peut-être seulement des voyelles,
seulement de douces sonorités,
l’âme qui est en moi reste la dernière langue étrangère
que j’apprends.
Et je veux vivre jusqu’à ce que tous les nombres soient sacrés,
pas seulement un, ni sept, ni douze, ni trois,
mais tous les chiffres, les vingt-trois qui tombent
dans le combat de Huleikat,
les dix-sept kilomètres de l’endroit enchanté, les trente-quatre nuits, les cent
vingt-neuf nuits de grâce,
les mille trois cents années
lumière, les quarante-trois minutes de bonheur
(le nombre d’années de ma vie reste une inconnue).
L’histoire de quatre mille années et quarante-cinq minutes d’examen
final à l’école.
Il n’y a pas de nombre pour les jours et les nuits –
ils en auront aussi-
et quand l’infini sera sacré, j’aurais le repos définitif. »