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Habiter le monde: reflexion sur la notion d’habitat

L’homme vient au monde ; affirmation simple s’il en est et qui pourtant offre à la pensée ceci : ce n’est pas l’homme qui crée le monde.
En effet, le monde n’est pas une chimère qui n’a de réalité qu’imaginaire ou fantasmatique, il préexiste à l’homme qui y vient et s’y inscrit. Sitôt qu’il vient au monde, l’homme est en relation avec lui-même et avec son environnement naturel et social qui lui échouent sans choix possible.

Exister, au sens le plus premier du terme signifie donc d’emblée être-là, situé, localisé mais aussi inséré à un temps donné dans une communauté, dans une culture tandis que la venue au monde enveloppe le mouvement de l’être vers le monde, mouvement d’appropriation. Cette double dimension du monde, à la fois spatiale et temporelle, nous pousse à faire appel à la notion anthropologique de monde comme Umwelt, monde ambiant ou milieu de l’humain, comme on dit de l’eau qu’elle est le milieu des poissons (particule Um induit une notion de spatialité). Qu’en est-il du rapport entre être et être-dans-le monde ?

L’humain a un statut particulier parmi les étants du monde ; il est certes partie du tout mais est le seul qui, par la réflexivité de la conscience qui le caractérise peut sortir de lui-même pour y revenir. Être dans le monde sans être du monde c’est être homme.
Ce double mouvement de sortie de soi pour mettre quelque chose de soi hors de soi, mouvement constituant de l’humain est l’une des définitions de l’habiter.
Habiter n’est pas loger. Habiter un lieu s’inscrit dans la familiarité et dans la continuité, la durée. L’accès à la compréhension de l’essence de l’habiter passe pour Heidegger par une exploration étymologique des termes qui disent être et habiter en vieil allemand, laquelle établit une filiation entre « je suis » et « j’habite », ce qui invite à penser la nature coextensive de l’être et de l’habiter.
Habiter sa maison, son canton à un sens. Peut-on légitimement parler d’un habiter le monde ?

Habiter signifie, non pas vivre passivement, mais être actif, agir sur le vaste espace du monde pour le qualifier, pour enclore son habitation, en définir le seuil, l’intérieur et l’extérieur. L’individu sélectionne donc des éléments du monde pour leur donner du sens Ce processus lui permet d’aborder le monde entier à partir d’un centre, le sien.
L’habitat est un lieu centré, structuré et significatif qui ouvre sur des horizons et organise l’univers sans jamais pouvoir le connaître objectivement.

Habiter le monde semble donc bien être une alternative à l’ambitieux connaître le monde de Platon et de Lucrèce, pour ne citer qu’eux. Le monde n’est jamais un objet pour l’homme et toute tentative pour l’embrasser par la pensée en se mettant au seuil du monde mène la raison à un incessant mouvement de balancier (antinomies kantiennes).
Ainsi, habiter le monde c’est avant tout peut être humilier sa raison pour circonscrire ce qu’elle peut connaître ou percevoir du monde.

Enfin, habiter un lieu c’est également le rendre habitable. Et comme toute l’humanité peuple le monde, habiter une partie du monde ne peut qu’avoir une dimension éthique (le terme d’ « ethos » a en grec ancien signifié « séjour habituel ») d’engagement pour les autres.

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Un commentaire

  1. Quelle noble interrogation ! L’architecture aujourd’hui ne se pense pas en ces termes elle concocte des solutions à nos politiques et nourrit une profession qui s’est plié à ne plus vouloir construire un monde habitable ici et maintenant pendant qu’il en est encore temps. On produit du logement comme on produit un bien industriel, il faut que ce soit rentable; ça répond à des règles économiques et c’est presque suffisant pour justifier l’indigence de ce qu’on propose aujourd’hui. Les gens cherchent à habiter, on leur propose un « logement ». Ils sont logés, rangés et identifiables… Il faut vouloir un mode meilleur et préférable et sortir d’un provisoire qui gère les peurs de chacun.

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