Plus de 3.6 millions de vues en une seule journée et ce pour une chanson commerciale assez banale. Le clip de « Up and Up », le dernier titre du nouvel album de Coldplay, est devenu un classique en quelques heures à peine. Réalisé par le duo des jeunes maîtres israéliens en arts visuels Vania Heymann et Gal Muggia, le clip fait l’unanimité : beau, onirique, surréaliste, surprenant, un ovni dans l’univers assez formaté des clips de musique.
Chris Martin lui-même a reconnu en interview que ce clip était sans doute l’un des plus beaux jamais réalisés, en mettant de côté la musique. Quelle lucidité ! Il a l’air d’avoir conscience que le clip est d’un niveau nettement supérieur à la musique…
Vania Heymann n’est pas un inconnu. Âgé de 30 ans à peine, formé à la très prestigieuse Bezalel Academy of Arts and Design à Jérusalem, le franco-israélien s’est fait connaître du grand public par cette vidéo « The crazy Watering Can », une méditation visuelle sur le fait religieux:
Les auteurs et polémistes athées Sam Harris et Richard Dawkins ont contribué à la populariser. Il a entre-autres collaboré avec son ancien condisciple Asaf Avidan dans « Different Pulses », avec Bob Dylan ou Cee-Lo Green, il a réalisé des publicités pour les géants Pepsi et adapté la série française « Bref » en Israël. Gal Mugiga est photographe de formation et a également collaboré avec de nombreux artistes et sociétés.
Si ce clip est devenu aussi viral c’est pour une raison simple : c’est un objet d’art qui renoue avec l’objectif à la fois élevé et si simple que du besoin d’art pour les humains. Étonner, surprendre, faire rêver, émouvoir, toucher juste avec des images. Étonnamment cultivé, plein de références historiques, artistiques et politiques, le clip reste enfantin. On est parfois contraint de mettre stop pour vérifier qu’on n’a pas été victime d’une illusion d’optique. On sourit, on rit parfois, on est ému du rapprochement inattendu, des inversions du réel, poissons qui nagent dans le ciel. Pas de fausse provocation calibrée pour faire le buzz et qui donc perd tout son potentiel subversif, pas de sexe, pas de filles à poils ou de popotins qui remuent.
Renouant avec les collages surréalistes, avec l’héritage de Man-Ray, Dali mais aussi Léonard de Vinci, Heymann et Muggia, dont c’est la première collaboration artistique, réenchantent le monde et le quotidien. Ils proposent des jeux sur les niveaux d’échelles micro et macroscopiques, sur le minuscule et le gigantesque, présences incongrues et belles.
Les plis d’un drap deviennent des pistes de ski, la surface d’une éponge celle d’un stade de foot, des parachutistes sautent dans une marmite de pâtes, une tortue nage dans le métro, un bébé sur un aéroplane, la terre, le monde, les réfugiés, l’homme sur la lune, une allusion fine au pays d’origine des artistes avec un mur qui sépare la mer de la plage et ses vacanciers, témoin de l’absurdité.
Une œuvre d’art subtile et universelle qui fait un buzz mondial : tout n’est pas perdu pour l’humanité.